2014-05-14 Centre « Dumitru Staniloae »: Yvan Koenig – Patristique. Saint Grégoire le Théologien (II – la théologie) (audio+pdf)

28 juin 20140 Comments

2014-05-14 Centre « Dumitru Staniloae »: Pr. Yvan Koenig – Patristique. Saint Grégoire le Théologien (II – la théologie) (audio+pdf)

Yvan-KoenigLe cours de Patristique du professeur Yvan Koenig en l’année universitaire 2013-2014 au Centre Dumitru Staniloae continue avec la présentation des certains aspects notables de la théologie de saint Grégoire le Théologien.

Yvan Koenig assure les cours de Patristique (voir les conférence du 1er semestre, le programme des conférences pour le 2e semestre ou programme par conférencier) dans le cadre du Centre Orthodoxe d’Études et de Recherche « Dumitru Staniloae » (année universitaire 2013-2014).

Résumé : Présentation de la théologie de saint Grégoire le Théologien (330 – 390)

Sa théologie nous est surtout connue par ses œuvres, en particulier par ses 45 Discours, qui datent presque tous de son séjour à Constantinople (379-381), et 245 lettres. Les principaux thèmes abordés sont :

1. Christianisme et culture païenne :
Ce fut l’objet de sa polémique avec l’empereur Julien l’Apostat (Discours 4 et 5). Celui-ci régna peu de temps, mais rétablit la culture païenne. Il attaqua violemment le christianisme dans son ouvrage : « Contre les Galiléens », qui sera réfuté plus spécifiquement par saint Cyrille d’Alexandrie. Quant à l’hellénisme, son argument de base et que l’on ne peut enseigner et pratiquer la culture antique sans adhérer au paganisme. Saint Grégoire démontrera magnifiquement dans ses Discours, que la maîtrise de la culture classique et le christianisme, non seulement ne sont pas incompatibles, mais que, d’une certaine façon, les chrétiens sont les meilleurs continuateurs de la culture antique, à l’heure où le paganisme se réfugie dans une sorte de ritualisme mystique.

2. La théologie :
Elle n’est pas le fait de ceux « qui se traînent à terre » (Discours 27). À la différence de la conception occidentale de la théologie, la tradition orthodoxe a toujours insisté sur la purification nécessaire des passions de celui qui pratique la théologie « Après nous être débarrassés de ce qui est étranger à notre parole, après avoir envoyé dans le troupeau de porcs la « nombreuse légion » qui se précipite au fond de la mer, faisons ce qui vient en second lieu : portons notre regard sur nous-mêmes et amenons à sa perfection le théologien comme on polit une statue » (Discours 27). Pour le saint la vie chrétienne est une forme de philosophie, un « exercice de la mort » consistant à séparer autant que possible le spirituel de ce qui l’alourdit (Lettre 31). L’ascèse chrétienne est une anachorèse et cela est valable pour tous les chrétiens. La théologie, comme l’écrivit le P. Jean Meyendorff, était à Byzance « une vision vécue par les saints » qui seuls sont les vrais théologiens. À nous de mettre nos pas dans leurs traces, en nous efforçant de ne pas trahir leur pensée.

3. L’apophatisme :
Si Dieu est incompréhensible dans son essence, il ne peut être atteint qu’au travers de ses libres manifestations que sont aussi ses énergies (Discours 28). Bien sûr bien des choses nous échappent et, en particulier « il faut honorer en silence la génération de Dieu » (Discours 29). Nous devons avoir conscience de nos limites comme de celles de notre langage, car c’est seulement dans le silence émerveillé de l’adoration que s’achève la contemplation du théologien : « Ont-ils quelque chose à répondre, ceux qui veulent mesurer la mer avec un gobelet ! » (Discours 28).

4. La doctrine Trinitaire :
Polémiquant contre l’arianisme, saint Grégoire va approfondir la doctrine trinitaire en insistant en particulier sur le fait que le Père est seul Principe (arché), seule cause au sein de la Trinité, c’est la Monarchie du Père. Chaque Personne divine se distinguant par sa propriété naturelle, mais étant uni aux autres par le consubstantialité, il n’existe qu’« un seul Dieu à cause de la monarchie » (Discours 40). La Monarchie du Père structure le monothéisme des Chrétiens et introduire une seconde cause, comme le Filioque, de l’origine hypostatique des Personnes, conduit à remettre en cause ce monothéisme. Mais seule l’illumination de l’Esprit Saint est susceptible de nous conduire vers la divinité : « J’ai pensé que le mieux c’est de laisser là les images et les ombres, qui sont trompeuses et très éloignées de la vérité, de m’attacher moi-même à la pensée la plus conforme à la foi, de m’en tenir à un petit nombre de mots, de prendre pour guide l’Esprit, de garder jusqu’à la fin l’illumination que j’ai reçu de lui… » (Discours 31))

Le rôle des relations comme fondement de la distinction des Personnes : « Le nom de Père n’est pas le nom d’une essence ni d’une action. C’est le nom d’une relation : il désigne la manière d’être du Père à l’égard du Fils ou du Fils à l’égard du Père. » (Discours 29). Il emploie les termes de « procéder » (cf. Jn. 15, 26) ou « procession » pour désigner l’origine éternelle de l’Esprit Saint et pas seulement son envoi « économique » : « L ‘Esprit-Saint est vraiment l’Esprit sortant du Père, non toutefois par filiation ou génération, mais par procession, s’il faut innover sur les noms pour clarifier la pensée. » (Discours 39, 12). Enfin il professe clairement la divinité et la consubstantialité du Saint-Esprit.

5. La christologie :
Dans sa christologie, il reprendra la formule traditionnelle : « Ce qui n’est pas assumé, n’est pas guéri ». Il se distingue par là de l’hérésie d’Apollinaire dont il réfute les arguments. Il prépare aussi la théologie de Chalcédoine : « Et, si je dois parler avec concision, c’est d’une chose et d’une autre, que le Sauveur est constitué, car l’invisible n’est pas identique au visible, ni l’intemporel à ce qui est soumis au temps ; mais non d’un sujet et d’un autre. Qu’il n’en soit pas question ! En effet, les deux choses n’en forment qu’une par l’union, lorsque Dieu se fait homme et que l’homme est déifié, quelle que soit la façon dont on l’exprime. Je dis uns chose et une autre, l’inverse de ce qui a lieu dans le cas de la Trinité. Là, en effet, il y a sujet et sujet, car nous ne devons pas confondre les hypostases, mais non une chose et une autre, car les trois sont un et identiques à cause de la divinité. » (Lettre 101, à Clédonius 20-21). De plus, bien avant le Concile d’Éphèse, il insiste sur le terme de Théotokos appliqué à la Mère de Dieu. Pour lui c’est aussi important que la virginité et le célibat : « C’est une grande chose que la virginité et le célibat, c’est être compté avec les anges, et avec la nature simple ; je n’ose dire avec le Christ qui, bien qu’il voulût naître pour nous qui sommes nés, en tirant sa naissance d’une vierge, il confirma la loi de la virginité, pour nous entraîner loin de cette vie et couper court à la puissance du monde, ou plutôt, pour nous transporter d’un monde à l’autre, du présent au futur. » (Discours 42).

La tradition orthodoxe ne s’y est pas trompée, elle qui a attribué à ce grand saint le titre de « Théologien ». Le succès de l’œuvre de saint Grégoire fut considérable, et il est considéré en Orient comme étant, avec saint Jean Chrysostome, l’une des plus grandes gloires de l’Orthodoxie.

Yvan Koenig (juin 2014)

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